En Algérie, c’est peu dire que le café est apprécié de tous. Que ce soit à la maison ou au bistrot, le café est un rituel à l’image de ce qu’est le thé en Angleterre. Jusque-là très abordable, son prix n’a cessé d’augmenter ces derniers mois.
Une situation qui a amené le ministère du Commerce à intervenir et qui, pour les professionnels, ouvre la porte à de possibles substituts.
Chaque adulte consomme 3 à 4 kg de café par an ce qui fait qu’en moyenne ce sont 130.000 tonnes de café qui sont importées chaque année en Algérie. La facture est lourde, elle atteint annuellement 300 millions de dollars.
Il y a une année, la tasse de café était vendue entre 30 et 40 dinars. Elle est ensuite passée à 50 dinars en début d’année quand le prix de la baguette de pain subventionné est de 10 dinars (06,06 centimes d’euros au taux de change officiel qui est de 1 euro pour 147,9 dinars).
En ce début du mois d’août, le prix de la tasse de café a encore augmenté et atteint 60 dinars dans certains cafés d’Alger.
Hausse des prix à l’international
La hausse enregistrée en Algérie n’est que le reflet de la situation des marchés internationaux.
À la mi-juillet, sur le marché à terme londonien, le café Robusta a atteint un record historique, à raison de 4.667 dollars la tonne, soit une hausse de 60 % en une année.
Certains professionnels européens sont inquiets. Pour le célèbre torréfacteur Lavazza, cité par le quotidien français Les Echos, « la hausse du prix du café n’est pas près de s’arrêter ».
La cause ? Une baisse des exportations des principaux producteurs mondiaux suite à des conditions météorologiques particulièrement difficiles.
Au Vietnam, premier exportateur de café Robusta, les exportations ont chuté de 50 % suite à la sécheresse du début de l’année. La vague de chaleur qui lui a succédé a provoqué une chute de rendement des caféiers peu habitués au manque d’eau.
Quant au Brésil, premier producteur de café Arabica, il a également connu des conditions climatiques détestables.
La hausse du prix du café en Algérie ne laisse pas les consommateurs indifférents et suscite de nombreuses interrogations. D’autant plus que, comme ailleurs, les cafés populaires, très nombreux dans le pays, sont des lieux de socialisation importants.
Certains consommateurs mettent en cause les torréfacteurs quand d’autres incriminent les grossistes.
De leur côté les patrons de cafés indiquent subir une hausse qui leur est imposée : « Depuis près de dix jours, le kilogramme du café est vendu contre 1.800 DA » indiquait l’un d’entre eux à la chaîne Echorouk TV début août.
Dans la foulée de cette hausse, le gouvernement a décidé d’agir. Le 8 août, le ministre du Commerce et de la Promotion des exportations, Tayeb Zitouni, a annoncé que l’État « procédera bientôt à la compensation des importateurs de café pour la différence entre les prix actuels sur le marché mondial et ceux pratiqués habituellement, dans le but de réguler les prix de ce produit de large consommation en Algérie ».
À cette occasion, il a tenu à rassurer les consommateurs en indiquant que : « bien qu’il ne s’agisse pas d’un produit de première nécessité, le café reste un produit de large consommation et doit être à la portée des Algériens, conformément aux instructions du président de la République ».
Du café en provenance du Vietnam et de Côte d’Ivoire
Du café, en Algérie, il en vient de différents pays. C’est le cas du Vietnam où « l’Algérie, est considéré comme un marché prometteur » notait déjà en 2022 la publication Le Courrier du Vietnam.
Un marché que suit attentivement Hoàng Duc Nhuân, conseiller au commerce du Vietnam en poste à Alger. Et pour cause, l’Algérie est l’un des dix plus grands débouchés pour le café vietnamien.
Un débouché qui présente, selon la partie vietnamienne, de : « nombreuses difficultés, car l’Algérie impose des droits de douane relativement élevés aux importations de café, jusqu’à 63 %, dont 30 % de taxe à l’importation sur les marchandises, 19 % de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et 10 % de taxe de consommation intérieure ».
Le café consommé en Algérie vient également d’Afrique Centrale où la coopération s’avère payante. En octobre 2022, Sami Agli, alors président de la Confédération algérienne du patronat citoyen (CAPC) a rencontré son homologue à Abidjan en Côte d’Ivoire.
À l’occasion, des contrats ont été signés dont l’exportation d’une trentaine de conteneurs de matériaux de construction depuis l’Algérie et l’importation de café par des opérateurs algériens.
Des contrats dont se félicitaient des membres de la délégation pour avoir trouvé des sources directes d’approvisionnement en café sans passer par les traditionnels intermédiaires européens.
La chicorée, un substitut au café
Le café n’est pas la seule boisson appréciée des Algériens, il y a également le thé. Un choix cornélien qui trouve même sa place dans le répertoire musical algérois avec le célèbre « El Qahoua ouel Atay » (le café ou le thé), qui raconte une joute oratoire du thé et du café qu’arbitre un juge.
L’analyse du comportement des consommateurs est riche en enseignements. Une étude réalisée en France en 2002 montre qu’au petit-déjeuner, « 36 % des Français boivent du café noir, 23 % du café au lait, 14 % du thé, 11 % des jus de fruits et 6 % ne prennent pas de petit déjeuner ». Des tendances qui se retrouvent en partie en Algérie.
À ce titre, la consommation de substituts au café a toute sa place notamment chez les amateurs de café au lait.
En effet, est-il rationnel de mettre dans du café au lait de l’Arabica ou du Robusta au prix où ils sont ?
Dès 1953 en France, la firme Nestlé a tranché en investissant ce créneau avec son produit Ricoré, un mélange parfaitement soluble composé de 33 % de café, 30 % de chicorée et de 33 % de fibres.
Très tôt la marque suggérera aux consommateurs de dissoudre du Ricoré dans du lait concentré ou du lait en poudre Nestlé. La chicorée permettant en effet une meilleure digestion du lait.
Pour suivre les modes de consommation, dès 2000 la marque proposera un stick, nature ou au lait permettant de consommer du Ricoré à toute heure de la journée et non pas seulement au petit-déjeuner.
Depuis, la marque n’a cessé de se renouveler à travers une forte capacité d’innovation et de communication.
La formulation soluble qui permet d’utiliser une cuillerée de Ricoré avec du lait chaud a notamment considérablement joué dans la progression des ventes.
Cette réussite commerciale pour un produit auparavant considéré comme vieillot montre le champ des possibles en matière de réduction des importations de café en Algérie, du moins pour certains segments du marché.
En 2023, l’annonce qu’un jeune agriculteur de Bouzeghaia (Chlef) avait réussi à faire pousser des caféiers sous serre n’était pas passée inaperçue. Une expérience cependant illusoire, car comment faire pousser une plante tropicale dans un pays semi-aride comme l’Algérie ?
Des substituts du café existent déjà en Algérie. C’est le cas avec la torréfaction de noyaux de dattes, de pois chiches ou d’orge. À la fin des années 1965 à Batna, il n’était pas rare de griller chez soi des pois-chiche qui étaient ensuite ajoutés aux grains de café à moudre.
Parmi les substituts possibles, la chicorée est intéressante. Son prix a certes augmenté pour atteindre 650 dinars la boite de 200 grammes contre 450 dinars il y a deux mois, mais elle reste loin du prix du café soluble qui est de 1650 dinars pour la même quantité. En plus de son prix abordable, la chicorée permet d’offrir un breuvage se rapprochant du goût du café mais sans apporter de caféine, une particularité qui intéresse les consommateurs intolérants à ce stimulant.
La chicorée est une famille de plantes consommées en tant que salade ou pour la racine. Cette plante pousse sous climat tempéré et, à ce titre, elle est adaptée au climat algérien.
Sa racine, une fois lavée, séchée puis coupée en morceaux, est torréfiée. Elle a été cultivée dès la plus haute antiquité d’abord en Égypte puis en Hollande. Mais c’est à l’occasion du blocus de 1806, décidé par les Anglais contre la France, que Napoléon encouragea sa culture pour pallier la pénurie de café.
Aujourd’hui, face à la flambée des prix du café et à la diversité des modes de consommation, les substituts partiels au café ont trouvé toute leur place en Algérie.
Il reste, comme dans le cas de la chicorée, que ces produits soient portés par une innovation active et une large communication.
En attendant des alternatives telle la chicorée, reste le populaire « nouss-nouss » cet équivalent de la « la noisette » française, du café noir avec un nuage de lait.