Huit ans après son lancement, le C919 a effectué ce vendredi son premier vol d’essais. Plus gros avion jamais construit par la Chine, il vient défier l’A320 et le B737 sur le marché des moyen-courriers.
Il vole enfin. Huit ans après son lancement, et de nombreux retards au décollage, le C919 du constructeur chinois Comac a effectué ce vendredi son premier vol d’essai, marquant le point de départ d’un processus de certification qui devrait aboutir à sa mise en service de l’appareil d’ici à 2020 au mieux. Avec une capacité de 168 passagers et d’une portée de 5.555 km, cet avion est le plus gros avion de ligne jamais construit par la Chine. Jusqu’ici, l’ex empire du Milieu avait seulement construit, non sans difficulté, l’ARJ21, un avion régional de 70 sièges, un segment de marché sur lequel les deux géants de l’aéronautique, Airbus et Boeing, ne sont pas présents.
Une volonté politique de devenir une puissance aéronautique
En montant en gamme, Pékin affiche clairement son intention de jouer dans la cour des grands et de devenir une puissance aéronautique. Le C919 se positionne en effet sur le marché des avions moyen-courriers, qui représentent plus de 70% des ventes des appareils de plus de 100 places et sur lequel rayonnent les deux « stars » internationales du moyen-courrier, le B737 de Boeing et l’A320 d’Airbus. L’objectif de Pékin est clair : devenir une puissance aéronautique. Ne pas avoir d’avion « made in China », c’est se trouver « à la merci des autres », avait déploré le président Xi Jinping en 2014.
Le fait d’avoir Comac créé (en 2008) avec à sa tête ceux qui avaient réussi le programme spatial chinois, traduit en effet la volonté politique de Pékin qui n’hésite pas à faire appel aux industriels étrangers pour sauter plus rapidement les marches.
Contrairement à l’ARJ 21, un appareil régional basique, le C919 fait en effet appel aux dernières technologies occidentales, comme Honeywell, Zodiac….Une attention particulière a été portée aux moteurs. CFM International, la filiale commune de Safran et General Electric, équipe le C919 avec son fameux Leap X, le même qu’a choisi Airbus et Boeing pour remotoriser l’A320 (A320 neo) et le B737 (B737 MAX). Car le C919, contrairement à l’ARJ21, vise aussi l’export.
Une menace prise au sérieux par Airbus et Boeing
Une menace prise très au sérieux par Airbus et Boeing.
« Ils ont les moyens financiers, les compétences, le marché », expliquait un jour l’ancien PDG de Boeing Jim McNerney.
« Pourquoi la Chine ne percerait-elle pas sur le marché international ? Elle le fait dans tous les autres domaines de haute technologie. Il ne faut pas croire que les Chinois ont besoin d’autres alliés que les partenaires et équipementiers occidentaux qui travaillent ardemment au succès du C919 ! », déclarait l’an dernier à La Tribune Fabrice Brégier, le PDG d’Airbus Commercial.
Pour autant, le chemin sera long. Pour la plupart des observateurs, il faudra attendre encore une bonne vingtaine d’années pour que la Chine devienne un acteur majeur du secteur.
En effet, il va déjà falloir que l’avion soit certifié non seulement en Chine mais aussi aux Etats-Unis ou en Europe pour pouvoir être commercialisés hors du marché chinois. Il faudra ensuite convaincre les compagnies aériennes de la disponibilité opérationnelle de l’avion mais aussi peut-être, dans un premier temps, les passagers occidentaux. Ceci alors qu’Airbus et de Boeing proposent des avions à la fiabilité éprouvée et qu’ils ont amélioré leurs appareils en les remotorisant.
« Il n’y aura plus de duopole à l’horizon de quinze ans ! […], expliquait Fabrice Brégier. Il faut se préparer à une concurrence élargie à d’autres acteurs. Cela étant, même si nous ne sommes plus en duopole à ce moment-là, la part de marché d’Airbus et de Boeing restera prépondérante. D’une part parce que dans ces métiers, la courbe d’apprentissage est difficile. Même avec l’utilisation de nouvelles technologies, il est très difficile de développer des avions, de les produire, de les maintenir avec un haut niveau de disponibilité opérationnelle, et évidemment avec un niveau de sécurité de 100 %. Et d’autre part, parce qu’Airbus et Boeing sont sans cesse tournés vers l’innovation, la bataille commerciale. Il ne s’agit pas d’un duopole où chacun se regarde et se laisse déborder par des nouveaux venus. C’est une bataille technologique et commerciale de tous les instants qui rend difficile l’entrée de nouveaux acteurs. »
C’est pour cela que le C919 devrait dans un premier temps se concentrer sur le marché chinois. Les 570 appareils déjà commandés l’ont été quasi exclusivement par des compagnies chinoises. L’absence d’un réseau international de service après-vente et d’entretien restera un frein à toute expansion international.
La locomotive est lancée
Cependant, tout va très vite. Il suffira, comme ce fut le cas pour le constructeur brésilien Embraer dans les années 80, d’une commande d’une grande compagnie aérienne, pour déclencher les ventes à l’export. Peu importe le temps que cela prendra, la locomotive est lancée.
« La Chine a lancé une industrie en mettant en place des équipes très importantes. Pour que cela soit une vraie industrie et non pas un coup, il faut donner à manger à cette industrie et donc lancer un nouveau programme une fois le C919 terminé, Comme ils ont l’argent, la volonté et le marché, ils le feront. La machine est en route », analyse un grand connaisseur de l’aéronautique.
Comac travaille en effet avec le russe UAC sur la conception d’un appareil gros-porteur, bi-couloir de 250 à 350 sièges, dont la mise en service serait prévue vers le milieu de la prochaine décennie.
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